Annonces judiciaires et légales
Le véritable enjeu : le pluralisme de la presse en région
L’état du pluralisme de la presse en région est alarmant : concentration des titres, disparition de certains, absence de renouvellement.
Mardi 21 novembre, le Spiil a publié des propositions et identifié plusieurs causes à cette situation : un soutien de l’État encore très largement concentré sur le papier, le poids grandissant de la communication institutionnelle des collectivités territoriales, la stratégie défensive des groupes de presse régionale, ou encore le régime des annonces judiciaires et légales. Plusieurs autres syndicats de la presse, réunis dans l’Association de la presse pour la transparence économique (Apte), ont depuis réagi à la dénonciation des annonces judiciaires et légales (AJL).
Le Spiil tient à rappeler que les AJL ne sont qu’un des éléments de réponse au problème du pluralisme. La seule manière de sortir par le haut de la dangereuse dépendance économique des éditeurs locaux aux annonces judiciaires et légales est d’embrasser l’ensemble des causes de la situation actuelle.
Une dépendance dangereuse à un système obsolète
Le marché des annonces judiciaires et légales ne doit son existence qu’à la volonté du législateur, qui a souhaité en 1955 assurer par ce moyen la diffusion la plus large possible des informations légales économiques. Il est inutile de se voiler collectivement la face : cette raison d’être n’existe plus. À l’heure des bases de données en ligne, des alertes, de l’OpenData, qui pense sincèrement que la presse locale est le vecteur de diffusion le plus efficace de ces informations ?
Dès lors, ce n’est qu’une question de temps avant que ce marché ne soit remis en question. L’influence politique des éditeurs de presse locale, notamment auprès des parlementaires, ne pourra suffire éternellement à compenser cette absence de légitimité. Spiil, ou pas Spiil.
Cela fait maintenant 20 ans que les éditeurs concernés remettent à plus tard ce sujet, et maintiennent leur dépendance aux revenus des AJL. Cette stratégie risque de s’avérer dangereuse.
OpenData et État plateforme
Le Spiil ne méconnaît pas la plateforme d’annonces légales mise en place par l’Apte depuis 2013. Mais celle-ci ne répond pas aux préoccupations qui sont les siennes.
Les données restent fermées, non accessibles via une API. Leur appliquer les principes de l’OpenData permettrait d’encourager le développement de nouveaux services, de susciter de nouveaux usages. Les éditeurs de presse sont d’ailleurs bien placés pour inventer ces produits.
La France s’est engagée avec force, depuis 2014, dans l’Open Government Partnership. Elle a voulu par là signifier son attachement à l’utilisation des données pour favoriser la transparence. Quel décalage avec la persistance de ce marché réglementé !
Le rôle de l’État devrait ainsi être celui d’un État plateforme, pour reprendre un concept développé par le gouvernement. Un État qui mette en place l’infrastructure pour que cette information, qui est un bien commun, soit distribuée de manière optimale.
Une taxe ciblée sur le pluralisme
Le Spiil a proposé que le produit d’une taxe sur les publications légales soit fléché vers le pluralisme de la presse en région, et non de remplacer les revenus des AJL par des subventions.
Cette taxe pourrait financer des actions d’intérêt collectif, comme des programmes d’éducation aux médias, afin de stimuler la demande. Elle pourrait également financer des aides : conformément à la doctrine du Spiil, celles-ci ne devraient pas alors prendre la forme de subventions d’exploitation pérennes, mais contribuer à des investissements ou abonder des aides indirectes, et ceci au bénéfice de l’ensemble des familles de presse.
Le Spiil ne méconnaît pas les difficultés, voire les situations difficiles pour certains éditeurs, posées par la sortie d’un modèle de dépendance aux AJL. Un plan pluriannuel, transitoire, serait ainsi nécessaire pour lisser les effets de la fin du marché réglementé.
Neutralité des supports et distorsion de concurrence
La virulence du communiqué envoyé par l’Apte le jeudi 23 novembre exprime peut-être un malentendu, voire une incompréhension, quant à la nature des motivations du Spiil. Ce dernier ne se place pas dans une logique de négociation pour partager les revenus des AJL, parce qu’il est profondément convaincu de l’impact négatif, in fine, des annonces judiciaires et légales sur le pluralisme de la presse en région. Et ceci quand bien même les services de presse en ligne pourraient également être habilités à publier les AJL.
Cependant, tant que ce marché réglementé existera, le Spiil continuera à promouvoir le principe de neutralité des supports, comme il le fait depuis sa création pour l’ensemble de l’action de l’État sur le secteur : les éditeurs en ligne doivent avoir les mêmes droits, mais aussi les mêmes obligations, que les éditeurs papier, et ne pas souffrir d’une préjudiciable distorsion de concurrence.
Le Spiil continuera à dialoguer avec les différentes parties prenantes pour repenser le marché des annonces judiciaires et légales dans le cadre plus large du développement du pluralisme de la presse en région.
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