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Quatre propositions pour soutenir les entrepreneurs de presse

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Quatre propositions pour soutenir les entrepreneurs de presse

 

Sommaire

  1. Créer une bourse pour les entrepreneurs de presse

  2. Augmenter l’attractivité des dispositifs IFCIC

  3. Adapter le Fonds stratégique à l’émergence

  4. Créer des incubateurs dédiés aux nouveaux médias

 

Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, a annoncé le 2 juin son désir de mettre en place des mécanismes de soutien à « l’émergence » et à l’innovation, et le lancement d’une consultation pour répondre à la question : « Comment l’État peut-il se mettre au service des entrepreneurs de la presse de façon utile et efficace ? ». Cette annonce suivait la publication du rapport Charon, qui soulignait le « bouillonnement éditorial » du secteur et recommandait de « placer l’écosystème au cœur de la réflexion ».

Depuis, le SPIIL a été auditionné par un groupe de travail dirigé par Jérôme Bouvier, conseiller de Fleur Pellerin chargé des métiers de la presse et de l'information, de l'éducation aux médias et de la diversité.

Dans cet esprit de co-construction, et conformément à ses valeurs de transparence, le SPIIL souhaite verser au débat public sa contribution. Celle-ci se veut une amorce de discussion avec le législateur et toutes les parties prenantes, et est donc nécessairement évolutive.

Pour définir ses propositions, le SPIIL a consulté l’ensemble de ses 130 membres, d’abord lors d’un séminaire le 10 juin 2015, puis par email.

 

Identification des besoins

Cycle de vie d’une entreprise en création

Une entreprise type passe par différentes étapes lors de sa croissance, comme nous l’indiquait lors d’un atelier du SPIIL en février 2015 Xavier Milin :

  1. création,

  2. puis traction,

  3. puis survie,

  4. puis premiers succès,

  5. puis décollage,

  6. enfin maturité.

 

Les dispositifs existants au sein du cycle de vie

Aujourd’hui, les dispositifs publics d’aide à la presse existent pour les phases de traction à maturité, mais sont inexistants pour la phase de création.

Par ailleurs, seul le FSDP est accessible non seulement aux titres IPG, mais aussi à la presse du savoir et de la connaissance. Les autres mécanismes (IFCIC, défiscalisation des dons et des investissements) ne sont accessibles qu’aux titres IPG.

Les besoins

Nous pouvons dès lors identifier :

  • un « trou de financement » pour les entreprises en création, préagrément CPPAP

  • des dispositifs IFCIC ou FSDP inadaptés pour les premières phases

 

Proposition 1 : Créer une bourse pour les entrepreneurs de presse

Comme le montre le tableau précédent, il n’existe aucun financement public spécifique à la presse pour des porteurs de projet avant l’obtention de leur agrément CPPAP. Nous recommandons de s’inspirer de la bourse French Tech, afin de créer une « French Tech Presse ». Les grands principes en sont :

  • Une évaluation économique des projets, effectuée par un comité indépendant

  • Un remboursement de 70 % des dépenses

  • Un périmètre de dépenses large, incluant tous les types de salaires et d’études

  • Des bénéficiaires équipes (personnes physiques ou entreprises) de moins d’un an

Une bourse garante de l’efficacité de la dépense publique

Le manque de financement lors de la phase d’élaboration du projet génère une surmortalité postérieure des entreprises. En effet, elle les pousse à survoler, si ce n’est à délaisser entièrement, l’étude de faisabilité économique de leur projet. Les jeunes entreprises se concentrent sur la sortie du site, qui permettra d’obtenir l’agrément CPPAP, au détriment des études économiques préalables (quel produit pour quelle cible ? quelle distribution ? etc.) et donc de la génération de revenus pérennes.

Un soutien public spécifique à cette phase permettra ainsi, en consolidant les projets d’entreprise en amont, d’économiser le soutien public ultérieur.

Une bourse reprenant la logique de mécanismes existants

De tels mécanismes existent pour d’autres industries culturelles. Citons notamment le préfinancement de l’écriture de scénarios pour les auteurs et l’aide au développement pour le cinéma et l’audiovisuel (CNC).

Une bourse permettant de préciser et tester le concept avant de se lancer

Il est légitime que le business plan proposé se base sur des hypothèses encore à vérifier. La bourse doit justement permettre de vérifier ces hypothèses, via des études ou des expérimentations, et ceci avant le lancement public.

Le montant indicatif se situerait entre 20 et 50 000 €, permettant à un ou des porteurs de projet de travailler leur concept pendant quelques mois et de faire appel le cas échéant à des développeurs et designers pour mettre sur pied des versions tests du service.

Une possibilité d’articulation avec les dispositifs d’incubation/d’accélération

Ce dispositif de bourse pourrait notamment être accordé aux projets d’entreprises de presse intégrant des incubateurs/accélérateurs agréés, sur la même logique que le dispositif PIA (Ville de Paris — BPI France) accordé aux entreprises intégrant un incubateur labellisé par la Ville de Paris. En effet, la sélection et l’accompagnement dont ils disposeraient au sein de ces dispositifs apporteraient des gages quant à la solidité de leur projet et aux moyens mis en œuvre pour en maximiser la réussite.

 

Proposition 2 : Améliorer l’attractivité des dispositifs IFCIC

L’IFCIC a ouvert il y a plus d’un an ses deux mécanismes dédiés à la presse (Fonds de garantie et FAREP) aux services de presse en ligne. Le SPIIL s’est réjoui de cette ouverture, et ceci d’autant plus que la logique d’endettement, propre à ces mécanismes, porte en elle-même les vertus d’une saine exigence de rentabilité.

Cependant, à l’usage, il apparaît que les deux mécanismes, malgré leurs qualités, n’ont connu qu’un succès limité. L’explication en est multiple, et nous proposons trois manières d’améliorer l’attractivité de ces dispositifs pour les éditeurs.

FAREP : Ouvrir aux entreprises en développement

Le FAREP est aujourd’hui restreint aux entreprises « en création », ce qui est interprété comme ayant moins de 3 ans. Cette restriction est inutilement restrictive. De nombreuses entreprises ayant plus de 3 ans, mais dont l’activité stagne, ont besoin d’un investissement pour relancer leur activité : créer une offre payante, lancer une nouvelle version du site, créer des applications mobiles…

Fonds de garantie et FAREP : Élargir le périmètre des bénéficiaires aux non IPG

Le Fonds de garantie comme le FAREP sont aujourd’hui restreints aux seuls IPG, ce qui laisse de côté la grande majorité des entreprises éditrices, pourtant essentiels à l’écosystème. Le SPIIL a vu plusieurs de ses membres, non IPG, se voir interdire l’accès au FAREP.

Cette ouverture pourrait se faire par étape : d’abord aux titres dits du ‘savoir et de la connaissance’, puis à l’ensemble des titres.

Fonds de garantie : Accorder les mêmes conditions au papier et au numérique

Le taux de garantie de 70 % est aujourd’hui limité à 150 000 € pour les services de presse en ligne et 1 000 000 € pour les titres papier. Cette discrimination selon le support est à la fois inconséquente, injuste et antiéconomique. Inconséquente parce qu’elle encourage les éditeurs à investir dans un support déclinant en terme d’usage. Injuste parce que l’utilité démocratique de l’information est la même, qu’elle soit distribuée au format papier ou au format numérique. Antiéconomique parce que les investissements nécessaires au développement d’un service de presse en ligne ne sont pas inférieurs au développement d’un journal papier, contrairement aux idées reçues, ou alors marginalement.

 

Proposition 3 : Adapter le Fonds stratégique à l’émergence

Nous partageons l’analyse de Fleur Pellerin, exprimée dans son interview à Libération du 2 juin 2015, d’une inadaptation du Fonds stratégique aux jeunes entreprises de presse.

Plus globalement, le Fonds stratégique souffre aujourd’hui d’une attractivité très faible, comme le montre le fait que le budget lui étant alloué n’est pas entièrement dépensé, et que le nombre de projets présentés est en nette diminution.

Le SPIIL propose donc de créer, au sein du FSDP, un compartiment dédié aux entreprises émergentes. Les modalités de fonctionnement de ce « compartiment » répondraient aux besoins spécifiques de ce type d’entreprises :

  • un montant de subvention maximum plus faible ;

  • un pourcentage de subvention plus élevé ;

  • une réelle évaluation économique de la viabilité du dossier. Cette évaluation économique est nécessaire pour encourager les porteurs de projets à intégrer cette dimension dès le début de leur parcours d’entrepreneur.

  • L’établissement d’un réel dialogue entre les porteurs du projet et les instructeurs du dossier afin d’améliorer la solidité (économique, éditoriale, commerciale) du projet. Ce dialogue, indispensable avant le dépôt du dossier, doit être poursuivi par des points d’étapes réguliers pendant la réalisation du projet.

  • L’élargissement du périmètre des dépenses éligibles, au-delà des simples dépenses techniques (aujourd’hui, l’innovation est bien plus importante dans l’offre éditoriale, le design, l’ergonomie et les usages que dans la seule technologie). Comme l’a dit Fleur Pellerin dans son discours lors de la remise du rapport Charon :

 « [Il faut] accompagner les besoins d’investissements et de fonctionnement des structures émergentes. Y compris ce qui en fait la richesse principale, la production éditoriale. »

  • Un traitement plus rapide des dossiers, en phase avec le rythme de l’économie numérique. Cela devrait être d’autant plus facile que le projet aura été étudié avec les instructeurs, et dans une grande mesure validé, avant son dépôt officiel.

 

 

Proposition 4 : Créer des incubateurs dédiés aux nouveaux médias

Alors que de nombreux secteurs d’activité ont leur incubateur (l’édition, la mode, l’entrepreneuriat culturel…), un nouveau média ne trouvera aucun lieu lui étant dédié, et où il partagera son quotidien avec d’autres acteurs de sa filière. Les entreprises de presse sont ainsi éparpillées dans de nombreuses résidences ou incubateurs, à Paris comme en régions.

Un cadre de travail partagé, source de multiples bénéfices

  • Rompre l’isolement de l’entrepreneur, en lui permettant d’échanger avec ses pairs au quotidien et de mieux résister au stress ;

  • Faciliter le lancement de projets collectifs (éditoriaux, techniques ou marketing), par le pouvoir de la machine à café ;

  • Fluidifier les collaborations entre éditeurs et fournisseurs de solutions dédiées (marketing, technologiques, commerciales) ;

  • Renforcer la visibilité et donc l’attractivité de l’entrepreneuriat dans la presse, avec la mise en avant médiatique d’un environnement dynamique.

Fournir des biens communs

Le lieu de travail partagé est l’infrastructure de base. Mais l’intérêt réel d’un incubateur dédié à la filière presse est d’offrir des services administratifs, juridiques, sociaux, comptables, financiers, achats (sourcing fournisseurs), ou humains (formation, recherche de talents) mutualisés.

Il s'agit en fait de fournir des biens communs aux entreprises de la filière presse, cruciaux pour leur développement, mais trop coûteux pour être mis en place par chaque entreprise individuellement.

Cette logique se rapproche de celle des plateformes mutualisées d'innovation, développées par les pôles de compétitivité, ou des groupements employeurs, mais plus spécialisée sur les métiers de la filière presse, et plus facile d’accès.  

Donner accès à des ressources uniques

Des dispositifs spécifiques seraient créés pour enrichir et partager les connaissances : ateliers thématiques, programme d’accélération pour accompagner des porteurs de nouveaux projets, recension et mise en avant des innovations les plus intéressantes.

Ce lieu pourrait offrir à ses résidents des avantages concurrentiels uniques : bases de données inédites, service de veille spécialisé, outils en ligne de partage de compétences, accès à des ressources expertes, exposition médiatique.

Une conception large de l’écosystème

Ce lieu devrait être accessible à tous les acteurs de la filière : non seulement les éditeurs de médias, mais aussi les fournisseurs de solutions dédiées aux médias ; non seulement les jeunes entreprises, mais également les entreprises plus matures.

Paris, mais pas seulement

Il semble plus facile de démarrer par Paris, où la concentration de nouveaux médias est la plus forte. Un tel lieu pourrait alors accueillir les médias n’étant pas implantés à Paris, mais y nécessitant des bureaux de manière ponctuelle. Cependant, des lieux similaire doivent ouvrir en régions, après étude des besoins de chaque territoire.

La nécessité d’un lieu attractif

Un tel lieu devrait avoir un pouvoir d’attraction fort, afin de pouvoir rivaliser avec les concurrents employeurs (médias, mais également entreprises technologiques) : emplacement central, espaces modulables, équipement de qualité…

Un processus de sélection transparent

Un tel lieu devrait sélectionner ses résidents sur des bases transparentes et appliquées équitablement : comité de sélection, grille d’évaluation et calendrier publics notamment. Il devrait être en mesure d’attirer des entreprises de taille et de maturité diverses, et non seulement de petites entreprises en création.

Un modèle économique visant l’auto-financement

Comme l’écrit Jean-Marie Charon dans son rapport :

« Dans ce cadre, l’État pourrait favoriser, en réunissant les conditions nécessaires, la création d’incubateurs accueillant les pure-players d’information, les labs des entreprises de presse, ainsi que les start-up contribuant à la production d’information, à la fois à Paris et en région (écosystème toujours). »

Un tel lieu pourrait bénéficier de soutiens publics pour son lancement et sa phase initiale d’exploitation, avant que l’activité ne s’autofinance par les loyers des médias y résidant. La gouvernance du lieu devrait être indépendante des pouvoirs publics.

Un projet s’appuyant sur des compétences existantes

Ce projet devrait s’appuyer au maximum sur des compétences et organisations déjà existantes : incubateurs, résidences, entreprises d’ingénierie culturelle, programmes d’accélération et de formation. Il s’agit de construire un lieu dédié aux médias en prenant le meilleur des dispositifs déjà existants.

Une interface pour décloisonner la filière presse

Un tel lieu devrait fonctionner en réseau et organiser la mise en relation des résidents avec les acteurs de la recherche, privée ou publique, avec les écoles (en journalisme, gestion, développement informatique, graphisme, etc.), avec les regroupements internationaux existants, avec les autres éditeurs de presse et de médias, avec les autres incubateurs, avec les entreprises de filières connexes (plateformes numériques, mobilité, e-commerce, gaming, objets connectés, intelligence artificielle).

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